Esprit 5/5

Rachel était belle femme, comme il a été dit, mais elle était timide. Elle cachait souvent ses formes sous de longs vêtements, mais cela ne faisait qu'encore plus attirer le regard - ne dit-on pas que cacher est plus délicieux que dévoiler ? On la draguait, mais elle voulait se garder pour celui qu'elle appelait le bon. Sans qu'elle le veuille, elle commença une rivalité entre ses prétendants. Son cœur était un diamant, tous les hommes voulaient le voler. Elle finit par trouver cela amusant. Sans jamais se laisser toucher, elle feignait l'ignorance et la pureté en charmant les hommes. Ainsi, ceux-ci exauçaient souvent ses souhaits. Au bout d'un moment, pourtant, un garçon lui sembla à son goût. Il s'appelait Eliott, il était fort et elle l'aimait. Elle bégayait et rougissait en sa présence. Les autres hommes étaient jaloux, mais heureux, car ils aimaient réellement la femme et la voir si rayonnante en sa présence leur apportait de la joie.

Un jour, cependant, la réputation de Rachel attira un dangereux prédateur. C'était un dieu, une espèce de macho qui se régalait de charmer les déesses, mais qui avait entendu parler d'une humaine à la beauté céleste. Quand il vit Rachel, il comprit que les racontars avaient été véridiques. Il la voulait pour lui et, ayant peu de considération pour les humains, ne tenait pas à jouer le gentleman comme les autres intéressés. Il alla donc attendre l'humaine chez elle. Quand elle entra, il la saisit par la taille, la renversa sur son plancher et la fit sienne sans plus de cérémonie. Rachel, encore vierge, avait pleuré par souffrance et misère. Elle pensa à son Eliott, et cela rendit l'acte encore plus effroyable, car elle avait perdu la seule chose qu'elle pouvait lui offrir : sa pureté. Malheureusement, ou heureusement, le dieu n'allait pas la laisser rester une humaine impure. Sachant que désirer une créature inférieure était aussi bien vu que de la zoophilie, il préféra la tuer. Rachel mourut donc, après s'être fait violer et n'ayant jamais connu un réel amour. Le dieu brûla la maison pour faire brûler son cadavre, ce qui causa un incendie dévastateur dans la ville entière.

Rachel fut ramenée à la vie, mais jetée dans un endroit qu'elle ne connaissait pas, elle ne retrouva jamais son aimé. Elle vit aujourd'hui une vie semblable à celle d'un fantôme farceur. Elle ne veut pas vivre comme égale parmi les humains, car elle sait qu'elle est morte et ne compte pas se mentir sur ce point.

Petite, elle avait un frère jumeau, Kyle. Bien qu'elle était une petite fille silencieuse et timide, son frère l'aidait avec sa mère et son père à s'intégrer et à socialisé. Ils n'étaient pas riches du tout, mais les liens qui les unissaient pouvaient surmonter tous les problèmes, c'est ce qu'elle se disait. Ensemble pour toujours, c'était ce qu'ils s'étaient promis. Malheureusement, la nature humaine à pour but premier de penser à soi-même et à sa survie.

L'hiver était présent, la nourriture était de plus en plus rare. Leur maison n'était pas bien isolée, la première neige était déjà tombée. Il faisait froid. Ils étaient tous collés les uns contre les autres. Leur père était censé bientôt leur ramener un peu de nourriture et des couvertures. Pourtant, il ne revenait pas. Les secondes, les minutes et les heures s'écoulaient. La petite fille commençait à avoir des ecchymoses, comme son frère et sa mère. Après un moment, son jumeau prit l'initiative d'aller chercher leur père. Il ouvrit la porte, laissant un vent glacial entrer sauvagement dans la maison, fouettant le visage d'Alice.

Kyle a vécu avec sa sœur jumelle et ses deux parents dans une petite maison, située dans un petit village reculé de l'Australie dans l'état de Tasmanie. C'était un village très pauvre où les maladies se propageaient rapidement. L'hiver avait toujours été un moment très difficile pour eux, mais ils s'en étaient toujours bien sortis. Ensemble, ils avaient traversé les crises, les disputes et les famines. Ils étaient une famille unie et soudée. Rien ne pouvait les arrêter.. Sauf le destin. Celui-ci, qui avait été bon, mais plus lors de ce moment tragique d'hiver.

Il faisait froid, vraiment très froid. Il n'y avait plus de nourriture depuis trois jours. L'eau était complètement gelée : ils ne pouvait plus la boire. Leur père était parti à la recherche de couvertures et de nourriture. Pendant ce temps, Kyle, sa sœur Alice et sa mère était blottis les uns contre les autres. Les minutes passèrent, puis les heures, puis les jours. Il n'était pas revenu. Leur mère essayait de les réconforter le plus possible, les serrant contre elle. Kyle tenait la main de sa mère et celle de sa sœur, froide comme de la neige. Il voulait que son père rentre à la maison, mais cela faisait plusieurs jours qu'il était disparu. Voyant sa sœur et sa mère à leur mine inquiète, Kyle avait décider qu'il allait chercher lui-même son père. Peut-être lui était-il arrivé quelque chose ? En se relevant, il regarda sa famille. Il prit un air fier et courageux avant d'aller ouvrir la porte extérieure.

Abel avait 19 ans en 1780. Il était un jeune français, catholique, marié bientôt à la fille d'un autre paysan. Il ne savait pas lire, ni écrire, mais il savait faire les champs avec son père. Il mangeait du poisson le vendredi, et allait à la messe à tous les dimanches. Abel aurait été un Français comme les autres s'il n'avait pas rencontré Nahash.

Il s'était aventuré trop loin ce soir-là, car sa fiancée avait cru entendre un loup au loin. Il s'était armé, puis s'était dirigé vers la source du bruit. C'est là qu'il rencontra Nahash, une femme qui avait une allure plus qu'humaine. Elle avait un immense chien à ses pieds, que n'importe qui aurait pu confondre pour une bête sauvage. Abel demanda à la femme ce qu'elle faisait ici. Elle lui expliqua qu'elle cherchait un lieu pour dormir. Qu'elle avait perdu sa maison. Abel, en sa grande générosité, accepta de la loger, mais sous la condition qu'elle reparte le lendemain. Il amena donc l'étrange dame dans sa demeure.

Le soir-même, Abel alla proposer à la femme de venir dîner avec eux. Quand il ouvrit la porte de la pièce qu'il lui avait laissée pour dormir, elle était torse nu. De son dos sortait deux immenses ailes noires. Abel saisit un bâton et se rua sur ce qui lui semblait être une apparition du démon, mais il se fit battre rapidement par celle-ci. Il l'insulta de succube. Elle prit un air triste, puis lui expliqua qu'elle n'était pas un monstre, mais une déesse, celle des saisons, plus précisément. Abel ne la crut pas : il n'y avait qu'un seul dieu ! Nahash lui parla de ce qu'elle savait. Elle tenta de lui expliquer qu'elle avait été une déesse, mais qu'elle avait été déchue. Elle lui parla des dieux. Du Juge. De tout ce qui pouvait rendre son discours réel - elle se moquait éperdument de dénoncer l'existence des dieux - et Abel finit par la croire. Il la laissa repartir au lendemain, mais la rencontre le changea à tout jamais.

Au lever du jour, il alla chanter les louanges d'une croyance polythéiste. Il raconta que la bible n'était que mensonges et qu'on ne pouvait connaître la vérité si on continuait d'y croire. Sa femme le crut fou. Son père fut enragé. Le prêtre du village appela l'inquisition. Il fut condamné à mort pour hérésie. Il continua de se défendre et de raconter que ce qu'il disait était la vérité. De ce que Nahash lui avait raconté, les dieux étaient cruels et s'amusaient des humains. Il craignait que ceux-ci décident de les damner à un enfer éternel. Il voulait seulement sauver les autres d'une punition divine. On refusa de l'entendre.

Le 27 janvier 1781, Abel venait de passer six mois en prison. Il continuait de murmurer en silence que les autres croyaient des mensonges. Il fut sorti de sa cellule et traîné jusqu'à l'extérieur, où le bûcher l'attendait. Abel n'avait pas mangé depuis 21 jours, car il était malade à l'idée de mourir pour et avec la vérité. Il fut sorti de sa cellule au moment où les premiers rayons du soleil touchaient la terre. Il mourut sous la première lumière, avant même qu'on puisse l'exécuter. Il était mort de faim.

Abel resta dans l'ombre jusqu'à la création d'Illusion, qui confirma ses croyances. Quand la Reine le sortit de l'obscurité, il en pleura. Quand il sut qu'Illusion avait été créé, toutes ses craintes, ses cauchemars, étaient devenus réels. Abel regretta sa mort. Il ne voulait pas être en vie maintenant. Il aurait voulu sauver les autres, ceux qui souffrent à cause d'Illusion.

Il est désormais l'esprit de lumière. Un être qui ne vit pas réellement comme un humain. Il existe à travers le soleil et se laisse disparaître à chaque arrivée de la nuit. Parfois, quand un dieu lève directement la main contre un humain, il se mêlera au combat, essayant de se rattraper de n'avoir pas pu sauver l'humanité avant l'apocalypse.