Insomnie [Zero]

Il n'aimait pas les prendre en chasse, mais cette fois, il n'en avait pas eu le choix. Lorsqu'il avait vu cet adorable lapin trottiner en dehors de sa demeure, perdu, il avait eu un coup de foudre comme rarement auparavant. Son corps presque androgyne, mince et sans formes très apparentes, dégageait une impression de pureté, de naïveté et surtout d'innocence. Tout le monde sait que ce sont les innocents qui sont les plus près de la perfection.

Elle semblait presque en fuite. Elle regardait de gauche à droite, probablement à la recherche d'un prédateur quelconque qui pourrait lui faire du mal. Si quelqu'un osait lever sa main dessus, Zero lui arracherait ses membres et reviendrait à elle, tel un prince victorieux.

Il la vit se réfugier en dessous du pont avec un air serein. Il décida que ce serait l'endroit idéal pour la rencontrer : personne ne passait dans le coin et ne pourrait le déranger. Le dieu marcha tranquillement jusqu'à la passerelle, passa une jambe par dessus la clôture en corde qui séparait les hommes de ce coin de paradis, et commença sa descente dans les herbes humides. Des gouttelettes d'eau douce, s'évaporant de leur canal, lui parvinrent. Il les essuya avec sa paume et se faufila dans l'obscurité pour rejoindre sa belle.

Elle avait senti sa présence, mais ne l'avait pas encore aperçu. Il aurait voulu qu'elle le remarque physiquement, mais c'était mieux que rien.

« Bonsoir... ou bon matin » dit-elle à son intention.

Il stoppa sa marche et, dans un geste trop théâtral, lui fit une révérence. Le mouvement de son bras coupait la nuit : elle parviendrait désormais à aisément distinguer sa silhouette.

« Bon soir, cœur de glace. Puis-je connaître ton prénom ? demanda-t-il très galamment.

Il la tutoyait pour ne pas l'effrayer puisqu'elle semblait si jeune, et non parce qu'il pensait qu'elle n'en valait pas la peine. Il voulait être doux avec elle. La charmer avant de la ramener chez lui. Et si ça prenait des années entières, il s'en moquait. Elle le méritait.

L'adorable enfant se leva timidement en époussetant le derrière des pans de sa robe. Zero la regarda faire avec un sourire attendri, se délectant de chacun de ses gestes si doux et pourtant terriblement attirants. Il remarqua qu'elle gardait une attention toute particulière à son chaperon, comme si elle ne voulait pas qu'on voit le dessus de son crane rond. Il se rapprocha d'elle, curieux de cette étrange frayeur.

« Je suis Leon, enchantée de vous connaître » chantait sa voix cristalline, et il en sourit d'avantage. Quelle joli prénom ! Un peu masculin, certes, mais ça rajoutait son charme.

Elle bougea légèrement son tendre visage et un rayon lunaire fit réflexion sur son épiderme blanc neige. Il pouvait désormais détailler les traits de son visage enfantin dans lequel se creusait une impression adulte. La jeune fille devant lui devait approcher la trentaine, un peu comme son corps humain.

« Et quel est votre prénom ? » demanda-t-elle en penchant légèrement sa tête vers la droite. Il fondit d'amour en voyant ce geste si mignon.

D'un mouvement délicat, il approcha ses doigts du chaperon et les glissa entre ses cheveux et le morceau de tissu. Il le fit si doucement, en envoyant une aura si positive, qu'il refusait de croire qu'il pourrait intimider sa douce Leon.

« Zero. » répondit-il, presque intéressé, perdu dans la curiosité sous le capuchon. Justement, il l'enleva doucement. Quelle surprise d'y voir deux magnifiques oreilles lagomorphes ! Il esquissa un autre sourire.

« Pourquoi les caches-tu ? » posa-t-il avec tendresse. « Elles sont ravissantes. »

Il redoutait sa réponse, cependant. Il avait osé la déranger dans son intimité. Il avait probablement été trop curieux. Il regrettait déjà légèrement, et lorsqu'un monstre comme lui commençait à éprouver des regrets, ça relevait du miracle.