PUTAIN !

Ryoko ne se rappelle pas vraiment de son enfance. Il sait qu'il avait des parents aimants, quoique son père était absent, et un petit frère. Sa mère était une source de douceur et de sécurité dans sa vie, comme il n'aurait jamais vécu par la suite. Il se rappelle qu'elle le serait contre son sein pour calmer ses tourmentes avant même qu'il n'ait commencé à pleurer. Encore parfois, dans des moments de mélancolies, il lui est facile de retourner à ces souvenirs d'un temps plus simple, où aucun malheur ne pouvait lui arriver.  

Lorsqu'il avait quatre ans et son frère seulement deux, ils furent amenés à l'orphelinat par leur père. Il ne sait toujours pas les raisons qui l'ont poussé à les abandonner ainsi. Peut-être que leur mère était morte et que le père ne pouvait s'occuper d'eux par lui-même. Il n'a jamais su la vérité, mais c'est l'hypothèse qui lui a toujours semblé la plus probable.  

Ryoko ne trouva jamais de nouvelle figure parentale à l’orphelinat, mais son frère, oui. Il fut adopté rapidement et Ryoko fut laissé seul. Même s'il était triste, il ne s'ennuyait pas. À l'orphelinat, il y avait de nombreux livres et la littérature scientifique devint rapidement sa nouvelle passion. Il lisait sans cesse des ouvrages sur les mathématiques anciennes et les sciences de la santé. Cependant, il n’y fit jamais d’études. Les propriétaires de la maison remarquèrent que l’enfant  avait un grand talent avec les étrangers. Il arrivait à comprendre rapidement ce que les inconnus voulaient. Ils l’envoyèrent donc travailler dans un petit magasin d’armes comme service à la clientèle. Là, il apprit du forgeron ce métier qu’il pratiquerait par la suite. Il était aussi doué pour faire des armes. Il gravait des symboles qu’il voyait dans ses rêves sur les épées, ce qui les rendaient élégantes et demandées par les clients. Ces signes ressemblaient à ceux vus dans le monde des dieux.

Il finit par prendre le commerce à lui seul. Il gagnait suffisamment et était assez reconnu, sous le nom du Forgeron Blanc. Il couchait avec quelques femmes mais il n'eut jamais de relations sérieuses, à peine quelques amitiés superficielles. Les journées où il était libre, il faisait de l’équitation dans les champs près de sa demeure.  Sa vie était belle malgré sa solitude.

Un incendie éclata dans la forgerie. Ryoko perdit ses deux jambes.

Il en fut dévasté. Il avait terriblement honte de ce corps mutilé. Il ne sortait plus de chez lui, demandait à ce qu’on livre à manger à domicile, mais ne parlait plus à personne, ne prenait plus de commandes. De toute façon, sans ses jambes, il ne pouvait plus forger. Jour après jour, il perdait la petite fortune qu’il avait amassée. On oublia qu’il vivait là. On oublia qu’il avait été glorieux. Son nom était toujours grand, mais plus d’image n’y était associée.

Son cadavre fut retrouvé un jour. On assuma qu’il s’était enlevé la vie, mais rien n’était sûr. Le vrai Ryoko était mort lors de l’incendie. Sa vie lui avait déjà été retirée.

Il était mort. Enfin, pas tellement. Quand il fut dans le néant paisible de son décès, une femme lui apparut. Elle lui dit qu’il était un enfant spécial et qu’il n’avait pas le droit de mourir. Du sang divin coulait dans ses veines. Il ne comprit pas, ne voulait pas comprendre, mais il fut tout de même remis sur terre. Il ne put pas s’en plaindre lorsqu’il réalisa que la dame lui avait redonné ses jambes !  

Mais il était devenu l’esprit de ce qui l’avait tué. Il était Ryoko, esprit du feu.